Retour en images sur l’hommage rendu aux Poilus de 14-18.

Devant le monument aux morts de la Grande Guerre, en présence des traditionnelles autorités et représentants des corps constitués, ainsi qu’un petit détachement de l’Ecole d’approvisionnement aéronautique de l’EA-ALAT du Cannet-des-Maures la traditionnelle cérémonie commémorative du 11 novembre a donné lieu à des dépôts de gerbes, des discours et des divers interventions. Des lycéens tropéziens ont notamment lu la lettre d’un poilu à ses parents ainsi qu’un poème de Charles Péguy, avant de déposer un bouquet au pied du monument avec des enfants de l’école primaire des Lauriers.

Dans son discours, le maire Jean-Pierre Tuveri a rappelé l’importance de cette commémoration et du nécessaire devoir de mémoire que l’on doit à ceux qui ont versé leur sang pour la France :

« Il y a un tout juste un peu plus d’un siècle, la France et une grande partie de l’Europe étaient plongées dans la Première guerre mondiale, incontestablement l’un des deux événements majeurs du XXe siècle dont les conséquences se font encore sentir aujourd’hui.

Mais comment avait-on pu en arriver là, à ce carnage historique, à cette tragédie humaine qui aura brisé tant de vies, tant de familles, tant de nos villages ?

Pour comprendre la genèse de la Première guerre mondiale, il faut remonter à la fin du XIXe siècle. A partir des années 1870 en effet, l’interaction de nombreux facteurs politiques, économiques et sociaux avait conduit à fragiliser la longue période de paix relative que l’Europe avait connue depuis la fin des guerres napoléoniennes et le congrès de Vienne en 1815.

 Des tensions permanentes étaient apparues entre les grandes puissances européennes :

– entre l’Angleterre et l’Allemagne, en raison d’une rivalité coloniale, de la contestation du leadership maritime britannique par l’Allemagne et de l’émergence de cette dernière en tant que grande puissance industrielle,

– entre la France et l’Allemagne en raison du problème de la récupération de l’Alsace-Lorraine perdue en 1871 et de rivalités coloniales,

– entre l’Autriche-Hongrie et la Russie, l’Autriche souhaitant dans un contexte de décadence de l’Empire ottoman, conquérir de nouveaux territoires et la Russie cherchant à obtenir un débouché sur la mer. Les deux conflits balkaniques de 1912-1913 ayant vu émerger la Serbie comme puissance régionale contribuèrent aussi à accentuer les tensions dans cette zone.

 L’attentat qui frappa le 28 juin 1914 à Sarajevo l’archiduc François-Ferdinand, héritier du trône d’Autriche-Hongrie, ne fut que l’élément déclencheur qui, en raison des réseaux d’alliance, embrasa les antagonismes latents entre les grandes puissances et eut un « effet domino » dévastateur.

Le 28 juillet, l’Autriche-Hongrie déclara la guerre à la Serbie, aussitôt défendue par la Russie laquelle, dès le lendemain, ordonna une mobilisation générale qui visait également l’Allemagne, alliée de son voisin autrichien. Le 1er août, le Kaiser Guillaume II déclarait la guerre à son cousin, le tsar Nicolas II.

 Pour la première fois de son histoire, la France décréta, le 1er août, une mobilisation générale qui dura 15 jours et permit de recruter la plus grande armée que le pays aura connue à cette date. Quelque 3 780 000 hommes furent mobilisés en ce mois d’août 1914, ce qui ne constituait encore que moins de la moitié du contingent final mobilisé jusqu’en 1918, soit environ 8 410 000 soldats et marins.

 Contrairement à une image largement répandue, l’annonce de la mobilisation ne déclencha pas un enthousiasme généralisé  comme le souligne l’historien Jean-Jacques Becker qui estime que « le sentiment probablement le plus répandu dans toutes les couches de la population fut celui de la surprise », particulièrement en zone rurale où la diffusion de la presse était moins répandue qu’en ville. La stupeur qui s’exprima alors indique bien que la mobilisation prit d’abord de court la population.

 L’état d’esprit changea lors du départ des soldats pour les casernes. En effet, alors qu’auparavant les manifestations d’enthousiasme étaient peu fréquentes, elles se firent plus spectaculaires, notamment dans les gares d’embarquement, les mobilisés manifestant un véritable élan patriotique empreint de gravité et de résolution à faire son devoir, malgré les fréquentes larmes versées par les femmes ou les adieux plus ou moins déchirants.

 Confusément, l’opinion publique française était dominée par l’idée, d’une « guerre juste » de la part d’une France pacifique tenue de se défendre contre une agression allemande caractérisée. Dans ces conditions, il ne pouvait être question de refuser le combat. On partit, « non avec l’enthousiasme du conquérant, mais avec la résolution du devoir à accomplir ».

Malgré la proclamation rassurante, le 2 août, du président Raymond Poincaré que « la mobilisation n’est pas la guerre », la France déclara la guerre à l’Allemagne dès le lendemain, 3 août, en même temps que le Royaume-Uni.

 

De l’avis de tous, la guerre devait être courte. Mais l’histoire nous apprendra qu’il n’en fut malheureusement rien puisque le conflit dura quatre ans.

 L’année 1914 fut marquée par une effroyable hécatombe. Les 45 premiers jours de la guerre feront plus de 600 000 morts, blessés ou disparus. Les combats vont tuer plus de « poilus » en six mois qu’ils n’en tueront dans les quatre ans qui suivirent, ce qui résultait en partie d’un état d’impréparation et de mise en œuvre de la doctrine de « l’offensive à outrance » préconisée par l’état-major.

 Les vaines offensives de 1915 lancées par la France et l’Angleterre pour tenter de rompre le front occidental sacrifièrent des centaines de milliers de jeunes vies pour de bien maigres conquêtes, trop souvent mesurées en mètres.

 La nécessité de « tenir » à tout prix dans les fournaises de 1916 que furent Verdun et la Somme achevèrent de conforter de nombreux combattants dans leur idée malheureusement souvent fondée, que leur vie était sacrifiée pour la gloire de l’état-major. Et quand 1917 noya dans le sang les espoirs de rupture du front au Chemin des Dames et à Passchendaele, le désespoir se répandit et prépara le terrain pour les mutineries qui touchèrent, durant plusieurs mois, de nombreuses divisions au sein de l’armée française.

 Suite à la signature de l’armistice avec la Russie en décembre 1917, les cinq offensives majeures lancées par les Allemands au cours du printemps et au début de juillet 1918 enregistrèrent des progrès importants, mais ne parvinrent pas à rompre les lignes franco-britanniques.

Ces offensives allemandes entraînèrent de lourdes pertes parmi les armées alliées, qui furent cependant compensées par l’arrivée massive des troupes américaines.

 De la mi-juillet au 11 novembre 1918, les armées  alliées menèrent à leur tour une série d’offensives qui, avec l’engagement de plus en plus important de chars d’assaut, contraignirent l’armée allemande à une retraite générale et à l’acceptation, le 11 novembre 1918, des termes très durs de l’armistice qui leur étaient imposés par les Alliés.

Les conséquences de la Première Guerre mondiale ont été considérables au regard de notre histoire contemporaine. A l’issue de ces quatre années de guerre, les grandes monarchies européennes d’Allemagne (les Hohenzollern), d’Autriche-Hongrie (les Habsbourg) et de Russie (les Romanov) ont été balayées et remplacées par des Républiques. L’Empire ottoman a été dépecé. Une frange de nouveaux Etats est apparue de la Baltique au Golfe persique, nés du principe des droits des peuples à disposer d’eux-mêmes. Les Etats-Unis, intervenus tardivement dans le conflit, entamèrent leur ascension vers le statut de super puissance.

 Les pertes humaines imputables au conflit furent effroyables. Près de 19 millions de militaires et de civils pour l’ensemble des belligérants, dont 1,4 million de militaires et 300 000 civils pour la France, chiffre auquel il convient d’ajouter pour notre pays 4 266 000 blessés militaires.

 Au-delà des conséquences démographiques négatives qu’elle engendra, la Première guerre mondiale se traduisit par de multiples souffrances et drames individuels : familles décimées ou ruinées, nombreuses veuves et orphelins, pour les combattants multiples blessures mutilantes des membres mais aussi de la face (fracture des mâchoires, perte d’un ou des deux yeux, nez arraché…) facilement reconnaissables sur ceux que l’on qualifiait de « gueules cassées ».

 Ces blessés ont du faire preuve d’une grande force de caractère pour accepter leur propre image, pour affronter la vie, le regard des autres et une société qui les rejetait largement parce qu’ils rappelaient la guerre que l’on voulait oublier dans la joie des années folles d’après-guerre. Souvent rejetés par leur petite amie, leur compagne ou même leur femme, beaucoup ont succombé à la tentation du suicide. D’autre ont souffert pendant des années de chocs émotionnels et de névroses de guerre.

Mais la guerre bouleversera aussi l’organisation du travail qui avait prévalu en temps de paix. Dans cette France d’alors largement rurale ce sont les femmes qui, après la mobilisation des poilus durent s’organiser pour effectuer les moissons et les vendanges. Dans les villes et dans les usines ce sont les femmes qui se retrouvèrent tourneuses d’obus, mécaniciennes, postières, porteuses de charbon.

 A l’issue du conflit, l’atmosphère de ressentiment et d’humiliation des vaincus, de frustration de certains vainqueurs et l’apparition d’affrontements et de conflits idéologiques entre classes sociales devaient compromettre les espoirs de paix et d’instauration d’un nouvel ordre mondial, entretenus au cours des années 20, et conduire vers une seconde conflagration encore plus dévastatrice quelque vingt ans après la fin de la « Grande guerre ».

Pour qu’une telle catastrophe ne se reproduise plus sur notre continent européen il importe de se souvenir et d’entretenir ce devoir de mémoire, car comme l’a écrit Roland Dorgelès, l’auteur des « Croix de bois », « l’homme est une machine à oublier ».

Il convient de se souvenir de ce que furent les atrocités de ce conflit et de rendre hommage à tous ces combattants qui y laissèrent leur vie pour défendre notre pays.

A l’heure où nos sociétés traversent une crise profonde il convient de se souvenir que la paix se mérite, qu’elle doit se construire ensemble, dans la défense des valeurs démocratiques, l’éducation et non pas dans l’isolement, le repli sur soi et l’exaltation du nationalisme d’un autre âge nourrissant l’intolérance et la diabolisation du voisin.

Mais l’expérience prouve aussi qu’il convient de faire preuve d’une grande vigilance et d’avoir le courage politique d’arrêter à temps des situations risquant à terme de conduire à de graves affrontements et que, pour cela, il faut avoir les moyens de répondre à une menace potentielle.

 Vive Saint-Tropez

Vive la France »